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Entretien avec Jean-Marc Barr : « La pièce « Les Hommes bleus » apporte un regard plein d’humanité sur le phénomène déchirant qu’est la migration »

19 Jan 2024 | Les interviews

Création du Théâtre Jacques Cœur à Lattes, Les Hommes bleus est l’un des événements théâtraux de ce début d’année. Présentée en première nationale, la pièce, mise en scène par Toni Cafeiro, est portée par le cheval de Camargue Jadore de chance et quatre acteurs : Stéphanie Marc, Grégory Nardella, Jean Yann Verton et Jean-Marc Barr. Présent à de rares occasions au théâtre, ce dernier revient dans cet entretien sur la pièce Les Hommes bleus, mais également sur son lien au théâtre, au cinéma et son actualité.

Vous jouerez la première, en janvier, des Hommes bleus, une pièce qui s’appuie sur le mythe de Crin blanc et traite de la notion de liberté, de traversée. Pouvez-vous nous en dire plus sur le sujet de la pièce ?
Lorsque Frédérique Muzzolini (directrice du Théâtre Jacques Cœur, ndlr) m’a parlé de ce projet, elle m’a simplement expliqué que la pièce parlerait des migrants à travers un texte écrit par des Africains. Elle m’a aussi parlé de la présence d’un cheval sur scène et tout cela a piqué ma curiosité. J’ai attendu la proposition écrite et ce que j’ai lu m’a étonné. Je me suis retrouvé face à un texte unique, original, qui aborde des thèmes très importants de notre époque. C’est une pièce très belle, très riche, qui semble venir d’un autre univers. Il s’agit presque d’une fable métaphysique sur l’idée de la traversée, sur ce que c’est d’être un réfugié, mais à travers un certain humour. La pièce apporte un regard plein d’humanité sur le phénomène déchirant qu’est la migration.

Quel rôle interprétez-vous dans la pièce ?
Sur scène, il y a quatre acteurs dont trois vont jouer des passeurs et une va interpréter un passager, mais aussi un flic, un nomade… Je n’en dirai pas beaucoup sur mon personnage simplement qu’il s’appelle Ali et qu’on le connait comme « l’homme vivant et mort ».

Qu’est-ce qui vous a interpellé dans la pièce Les Hommes bleus ?
Ce qu’il faut absolument dire, c’est que ce très beau texte est né d’une écriture collective et internationale. D’un point de vue grammatical, il est évidemment juste, mais, surtout, il sort de ce que l’on a l’habitude de lire et voir en Europe. On rentre dans un nouveau genre de dynamique que je trouve fascinant. Avec le temps, on s’aperçoit que le texte n’est pas une spontanéité inconsciente, mais qu’au contraire tout y est très bien lié. À travers Les Hommes bleus, on découvre une profondeur, une connaissance de la langue.

L’engagement du texte, du sujet : ce sont ces raisons qui vous ont motivé à accepter le rôle ?
Dans ma carrière, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai connu un succès qui m’a permis de continuer à suivre mon cœur. J’ai grandi dans les années 1960- 1970, une époque où le cinéma était social, résistant, engagé. J’ai vu tout cela changer avec l’arrivée des grandes sagas où tout à coup, il n’y avait plus de responsabilités sociales, culturelles. On ne défendait plus ce qu’est la culture. Or, tout ceci est la raison pour laquelle je suis devenu acteur. Et d’ailleurs, à travers ma carrière, j’ai toujours essayé de défendre cette vision de ma profession.

Vous avez plusieurs fois joué au théâtre. Votre dernière apparition sur les planches était en 2018 pour l’adaptation de La sonate à Kreutzer de Tolstoï. Que trouvez-vous sur scène que vous ne trouvez pas au cinéma ?
Effectivement, j’ai eu plusieurs expériences au théâtre. En 1989, avec La descente d’Orphée, de Tennessee Williams, mise en scène par Peter Hall, avec Vanessa Regdrave au Royal Haymarket Theater de Londres. Quelques années avant, en 1985, j’ai eu la chance de travailler au Théâtre Gérard Philippe pour une adaptation de La conjuration de Fiesque de Schiller. Puis en 1993, j’ai joué au Palais des Papes d’Avignon et au Théâtre de l’Odéon dans Le Cavalier d’Olmedo, de Lope de Vega, mis en scène par Lluis Pasqual. Et enfin, La sonate à Kreutzer en 2018.

La différence avec le cinéma, c’est le rituel. Faire une pièce de théâtre, c’est quelque chose de physique et intellectuel qui demande une discipline. On est comme dans une arène, un forum. Les spectateurs sont là et si on est mauvais, on le sait ! C’est vraiment sacré. Au cinéma, la caméra voit tout. La communication ne se fait pas uniquement à travers les paroles ou le corps, mais à travers l’esprit. Au théâtre, il y a aussi cette urgence sur le plateau parce qu’il y a des spectateurs. C’est un véritable art !

Quels sont vos futurs projets au cinéma ?
Aujourd’hui, il y a une telle saturation de produits que c’est très dur de voir un bon film. Et puis, il y a toutes les plateformes. J’ai eu la chance de faire du cinéma dans un autre contexte. Aujourd’hui nous n’en sommes plus là et ce serait très dur de faire un Europa ou un Breaking the Waves. Mais je trouve tout de même des projets intéressants ! Je viens de tourner une série pour Netflix, Anthracite, qui sortira en 2024. J’ai également joué un professeur d’art pour un film à Munich. Actuellement, je tourne pour France 2. Mon personnage est un sauveteur de mer qui s’appelle André. À côté de cela, je suis aussi réalisateur. L’un de mes derniers films s’appelle Les Indociles. C’est l’histoire du manager d’un hôtel cinq étoiles à Paris, qui pendant le confinement, commence un service d’escorte. Il sera diffusé sur la plateforme d’Arte à partir de janvier, Et puis il y aura peut-être d’autres choses dans le futur, j’espère !

Recueilli par Eva Gosselin

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