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Montpellier | Olivier Saccomano et Nathalie Garraud : “La Biennale des arts de la scène en Méditerranée réaffirme nos engagements d’hospitalité et de solidarité”

30 Oct 2025 | Festivals, Hérault, Les interviews, Spectacles vivants, Théâtre

Portée par le Théâtre des 13 vents – CDN Montpellier, la Biennale des arts de la scène en Méditerranée réunit une douzaine de partenaires culturels de la région et d’ailleurs autour d’un même horizon : celui du dialogue artistique entre les deux rives. Pour cette troisième édition, du 6 au 22 novembre, vingt-deux propositions, dont plusieurs créations et premières en France, témoignent de la vitalité et de la diversité des scènes méditerranéennes. Olivier Saccomano et Nathalie Garraud, codirecteurs du Théâtre des 13 vents, reviennent sur les enjeux de cette Biennale : la coopération entre structures, les réalités contrastées du travail artistique dans la région, et la nécessité d’affirmer, plus que jamais, les valeurs d’hospitalité et de solidarité.

Cette édition 2025 est la troisième. Vous avez évoqué les doutes qui ont accompagné sa préparation, notamment face aux crises géopolitiques et économiques que traverse aujourd’hui le bassin méditerranéen, mais également le secteur culturel. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces difficultés, et sur ce qui vous a convaincu de poursuivre malgré tout vers cette troisième édition ?
En avril 2024, nous nous sommes réunis avec les partenaires de la Biennale pour établir un bilan de l’édition 2023 et envisager la suite. Nous partagions un grand enthousiasme quant à ce que ce projet avait généré, en termes de coopération, de solidarité professionnelle, de circulation des publics. Pourtant la Biennale représentait un réel effort financier pour nous tous et, le contexte économique étant de plus en plus tendu, il était normal que nous questionnions sa faisabilité, sa pertinence. Cela dit, il nous est très vite apparu que dans un contexte politique traversé par des crises et des conflits terribles, travaillé par des tendances aux replis identitaires ou nationaux, il nous fallait réaffirmer nos engagements. Nous ne voulons renoncer ni à l’hospitalité, ni à la solidarité, ni à l’ouverture, ni à la diversité que la Biennale porte en elle.

La Biennale réunit treize structures culturelles et de spectacle vivant du bassin montpelliérain et au-delà. Comment s’organise ce travail collectif ? Qu’apporte-t-il, selon vous, à la construction du programme et à la capacité d’accueil des artistes ?
Chaque édition de la Biennale fédère une douzaine de partenaires culturels, de Montpellier jusqu’à Sète. Nous nous réunissons très régulièrement, et le programme s’élabore collectivement, chaque lieu formulant des propositions sur les artistes et les projets qu’il souhaite accompagner. À partir de ces premières grandes lignes, on engage des collaborations entre certaines de nos structures, on dégage des grands axes, on pense l’équilibre général du programme, les questions de diversité, de parité, le parcours des publics, etc. Chacun prend en considération les missions et les moyens des autres, et cela nous engage dans des pratiques collaboratives plus solidaires, plus transversales. Certains projets que nous ne pourrions pas faire seuls arrivent à voir le jour parce qu’on s’y met à plusieurs… D’ailleurs, la collaboration ne s’arrête pas à la programmation puisque les équipes de nos lieux travaillent aussi ensemble sur la technique, la communication, la relation avec les publics.

Le programme compte cette année vingt-deux propositions artistiques, dont de nombreuses créations et premières en France. Comment se sont opérés les choix ? La Biennale joue-t-elle aussi un rôle de tremplin pour les artistes, en leur offrant une visibilité accrue sur la scène française ?
La création et l’accompagnement des artistes dans la durée sont des priorités que nous portons depuis le début : il s’agit de faire de la Biennale un lieu de création identifié et ainsi, de générer des effets de levier pour la production et la circulation des œuvres. C’est important que la Biennale puisse être un lieu de découverte pour les publics, mais aussi un lieu de repérage et de visibilité pour les artistes et les professionnels. Depuis cette année, le Théâtre des 13 vents et L’Atelline font partie de nouveaux pôles internationaux de production et de diffusion soutenus par le ministère de la Culture. Cela renforce la visibilité de la Biennale et sa capacité d’action dans le réseau de production méditerranéen. C’est aussi favorable aux artistes de la région dont les créations sont présentées dans le cadre de la Biennale, comme ce sera le cas cette année pour la création de Nicolas Heredia avec la Bulle Bleue, ou encore celle de Julie Benegmos et Marion Coutarel.

Beaucoup de spectacles font écho aux crises et aux problématiques traversées par le territoire méditerranéen. Les artistes viennent de pays très différents : quelle est aujourd’hui leur réalité de travail ? Quelles difficultés rencontrent-ils ou rencontrent-elles pour créer dans leur pays ?
La Biennale accueille des artistes venus de nombreux pays du bassin méditerranéen (Maroc, Italie, Liban, Palestine, Espagne, Grèce, Syrie, Égypte, France) qui représentent autant de réalités politiques et économiques, donc de réalités de travail différentes. La fragilité économique, les difficultés d’accès aux outils et moyens de production, la censure, les difficultés de circulation, les situations de guerre et de tensions politiques, la destruction des lieux culturels… sont autant de difficultés auxquelles les artistes travaillant en Méditerranée font face, mais qui ne se posent évidemment pas de la même manière ni avec la même brutalité d’un pays à l’autre. Cela se reflète dans les œuvres, aussi bien dans les sujets qu’elles abordent que dans leurs modalités de création. En France, nous connaissons des difficultés économiques certaines, mais nous pouvons encore nous appuyer sur une politique publique des arts et de la culture : cela nous octroie un devoir d’hospitalité et de solidarité.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les spectacles accueillis par le Théâtre des 13 vents dans le cadre de cette Biennale ?
D’abord des fidélités. Nous invitons pour la troisième fois la compagnie palestinienne Théâtre Khashabi, avec YES DADDY de Bashar Murkus et Khulood Basel, qui explore la question de la mémoire et de la relation entre générations. Autre artiste familière de la Biennale, la nouvelle directrice du Théâtre National d’Athènes, Argyro Chioti, présentera une version revisitée de sa pièce Ilot de fraîcheur, avec des artistes interprètes de la région. Ensuite, nous accueillerons, pour la première fois et pour leur première en France, le collectif italien Kepler 452 avec A place of Safety, qui documente la vie à bord d’un navire de sauvetage de migrants en Méditerranée. Nous accueillerons, pour la première fois aussi, le Théâtre National Palestinien avec Dans l’ombre du martyr, la dernière pièce de son fondateur aujourd’hui disparu, François Abou Salem. Nous portons également la production de la nouvelle création de l’artiste libanaise Chrystele Khodr, Silence ça tourne, qui jouera dans différents lieux de la Biennale.

Une autre dimension essentielle de la Biennale est le temps long de l’événement. L’un de ses objectifs est de favoriser de véritables échanges entre les artistes et le public. Comment cela se traduit-il concrètement ?
La Biennale se déplie sur trois semaines et nous permet d’accueillir les équipes artistiques suffisamment longtemps pour permettre la rencontre entre artistes, entre artistes et publics, et même entre publics ! Cette dynamique est soutenue par plusieurs initiatives qui sont autant d’occasions de créer des temps d’échange : les parcours de spectateurs incluant des rencontres avec les artistes, les rencontres bord-plateau, les ateliers et stages, le Pass Biennale et les navettes qui facilitent la circulation entre les divers lieux. Il y a également trois samedis qui ponctueront la Biennale, où sont proposés des programmes un peu particuliers, permettant de rencontrer les artistes dans des cadres moins conventionnels : l’Abécédaire Magdalena le 8 novembre, la journée Qui Vive ! le 15 novembre, et la clôture toute en poésie et musique, à Sète, le 22 novembre.

Recueilli par Eva Gosselin

 

Découvrez le programme complet de la Biennale des arts de la scène en Méditerranée 2025, organisée du 6 au 22 novembre à Montpellier et dans les environs. Spectacles, créations, performances, rencontres et soirées rythmeront trois semaines de découvertes artistiques autour des rives méditerranéennes.

A Place of Safety, © Luca Del Pia

    • Jeudi 6 novembre
      Silence, ça tourne – Chrystèle Khodr et Nadim Deaibes → La Vignette, 19 h
      YES DADDY (حاضر يا أبي) – Bashar Murkus et Khulood Basel (Théâtre Khashabi) → Théâtre des 13 vents, 21 h (soirée d’ouverture, suivie d’un cocktail)
    • Vendredi 7 novembre
      Silence, ça tourne – Chrystèle Khodr et Nadim Deaibes → La Vignette, 19 h
      YES DADDY (حاضر يا أبي) – Bashar Murkus et Khulood Basel → Théâtre des 13 vents, 19 h
      Boujloud (l’homme aux peaux) – Kenza Berrada → Domaine d’O, 21 h
      Et tout est rentré dans le désordre – Julie Benegmos et Marion Coutarel → Théâtre Jérôme Savary, 21 h
    • Samedi 8 novembre
      Abécédaire Magdalena – Magdalena Montpellier → MO.CO. Esba, 15 h
      Silence, ça tourne – Chrystèle Khodr et Nadim Deaibes → La Bulle Bleue, 18 h
      Boujloud (l’homme aux peaux) – Kenza Berrada → Domaine d’O, 20 h
    • Mercredi 12 novembre
      Necropolis – Arkadi Zaides → La Vignette, 19 h
      On fera mieux la prochaine fois – Nicolas Heredia → La Bulle Bleue, 21 h
    • Jeudi 13 novembre
      A Place of Safety – Enrico Baraldi et Nicola Borghesi (Kepler 452) → Théâtre des 13 vents, 19 h
      On fera mieux la prochaine fois – Nicolas Heredia → La Bulle Bleue, 19 h
      Necropolis – Arkadi Zaides → La Vignette, 20 h
      Et tout est rentré dans le désordre – Julie Benegmos et Marion Coutarel → Théâtre Molière → Sète, 20 h
    • Vendredi 14 novembre
      Necropolis – Arkadi Zaides → La Vignette, 19 h
      On fera mieux la prochaine fois – Nicolas Heredia → La Bulle Bleue, 19 h
      Silence, ça tourne – Chrystèle Khodr et Nadim Deaibes → La Passerelle, Sète, 20 h
      A Place of Safety – Enrico Baraldi et Nicola Borghesi → Théâtre des 13 vents, 21 h
    • Samedi 15 novembre
      Scènes de vie – Danya Hammoud → Domaine de Grammont, 15 h
      Qui Vive ! – rencontres et projections (Olivier Neveux, Jocelyne Saab, Najla Nakhlé-Cerruti) → Théâtre des 13 vents, 16 h
      Dans l’ombre du martyr – François Abou Salem et Paola Vonvac → Théâtre des 13 vents, 21 h
    • Mardi 18 novembre
      Here and Now – Walid Ben Selim → Théâtre Jean Vilar, 20 h
    • Mercredi 19 novembre
      Le Rêve d’Elektra – Clément Bondu → Centre culturel Léo Malet, Mireval, 20 h
    • Jeudi 20 novembre
      Dessin d’un renard blessé – Oriol Puig Grau → Théâtre des 13 vents, 19 h
      Îlot de fraîcheur revisité – sortie de stage dirigée par Argyro Chioti et Nikos Ziaziaris → Théâtre des 13 vents, 21 h

Vendredi 21 novembre
Le Mur ou l’éternité d’un massacre – Hatem Hadawy → Théâtre des 13 vents, 19 h
7 – Dimitri Chamblas et Zoé Lakhnati → Chai des Moulins, Sète, 20 h
Îlot de fraîcheur revisité – sortie de stage → Théâtre des 13 vents, 21 h

    • Samedi 22 novembre – Soirée de clôture
      Poèmes entre deux rives – Rima Abdul Malak, Marc Alexandre Oho Bambe et musicien·nes → Théâtre Molière → Sète, 18 h
      Cette Mer en moi… – création musicale de Walid Ben Selim → Théâtre Molière → Sète, 20 h

Plus d’infos : 13vents.fr
Photo : Nathalie Garraud et Olivier Saccomano – © Jean-Louis Fernandez

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