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Perpignan : Artur Heras, nouvel artiste exposé au centre d’art ACMCM jusqu’au 31 mars

19 Jan 2024 | Arts plastiques, Expos, Pyrénées-Orientales

20 ans déjà que le centre ACMCM ouvrait ses 1400 m² à deux pas de la gare de Perpignan, autant dire A cent mètres du Centre du monde, célébré jadis par l’illustre catalan, Salvador Dali. Bien des artistes, français, ibériques et plus, de stature nationale et davantage encore, y ont été invités. D’Adami ou Pat Andrea à Viallat en passant par Ben, Fauchier, Fromanger, Gauthier, Le Gac, Meurice, Pencréac’h, mais aussi Armango, Arroyo, Boix, Carrasquer, Ydañez, Pasieka, des dizaines d’autres pour les individuels ; auxquels il faut ajouter les expositions collectives : d’Apparences à Who’s afraid of pictures ?, en passant par Gestalt, La Nouvelle Histoire ou Dessine-moi un mural.

C’est dire le rôle joué par un centre d’art qui ne cache pas son penchant pour la peinture actuelle et le dessin, dans la région perpignanaise, à la frontière entre deux pays, en Roussillon, en Catalogne et en Occitanie. Artur Heras, peintre valencien, a eu l’honneur d’être plusieurs fois sollicité et il marquera cette nouvelle année de son empreinte. De la nuit au brouillard, titre de l’exposition, renvoie explicitement au film d’Alain Resnais comme à l’air célèbre, et interdit d’ondes, de Jean Ferrat. Ce sont, en effet, des camps de concentration, voire de la mort entre autres, n’oublions pas la proximité de celui de Rivesaltes, qui seront évoqués, à l’instar des événements tragiques qui auront marqué l’an 1945, année de naissance de l’artiste. Quelques toiles anciennes se glissent parmi les soixante œuvres montrées.

Crayons, graphite, encre, le tout sur papier, on voit tout de go que les techniques employées et les tonalités produites ne prêtent pas à l’expression de la joie, le papier traduisant la fragilité et vulnérabilité de la condition humaine. On évoque ici la douleur. En 1945, l’Espagne vit sous la dictature franquiste, on découvre l’horreur de la vie dans les camps, le génocide, la bombe atomique qui réduit deux villes nippone à néant ; on tue inutilement des civils dans les villes bombardées… La liste est longue et le passif à venir pesant pour un enfant qui ouvre les yeux. Artur Heras en l’occurrence. Tous ces sujets terribles sont abordés sans concession, l’artiste s’inspirant d’archives, et privilégiant les portraits de prisonniers, les lieux emblématiques, tels que les chambres à gaz ou les moyens de transports inhumains. On pense à ces wagons plombés qu’évoque la chanson et qu’Artur Heras représente en grand format, en couleur, à l’arrêt, à l’acrylique et huile sur bois. Les artistes ne furent pas épargnés ainsi que le prouve la présence de Joseph Beuys, blessé à la tête et trouvant dans sa confrontation à la mort, future matière à ses explorations artistiques (graisse, feutre, miel).

Heras rappelle en outre qu’il n’est pas qu’un dessinateur hors pair, précis et méticuleux : il est reconnu comme peintre – et qui inclut le collage en sa pratique, dans la tradition de l’Espagnol Picasso. Dans une allégorique peinture sur bois intitulée L’ange de l’Histoire, à la figure angélique de profil, il accole des ailes de tissus déchiquetés et une armature d’osier. Dans une installation satirique et antinazi, Rêve, peur et réalité d’El Mono azul, un petit train électrique est ajouté au sol à la toile, peinte à l’acrylique, avec adjonction de néon. On y reconnaît une image-citation de défilé militaire avec le dictateur qui salue ses troupes. Ailleurs, à Burgos, Franco et les franquistes arborent un nez de clown qui les tourne en dérision et métamorphose leur mission en supercherie. L’ironie du sort peut s’avérer grinçante : un jeune garçon, hilare, à Tanger, surveille sa boutique où se vendent des images des principaux dictateurs, et de la guerre en général…

À côté de ces œuvres très critiques envers tous les abus de pouvoir, Heras a conçu des portraits émouvants de personnes ramenées à un numéro ; une jeune femme au fichu probablement catalane, un enfant rasé, au regard profond et égaré… Une main présentée frontalement, gantée de peinture (?), dont on suggère qu’elle est crevassée, lacérée sans doute par un travail usant, « sans relâche » (Indesinenter). Celui du peintre, infatigable travailleur manuel ? Les camps paraissent liés au passé… Mais Heras suggère que l’Humain d’aujourd’hui n’en a pas retenu les leçons puisque l’on voit les spectres de la guerre émerger un peu partout dans le monde, y compris aux portes de l’Europe. Et pas seulement : le ventre est encore fécond qui a engendré la bête immonde. On le sait depuis longtemps : les artistes ne font pas que du joli…

BTN

Plus d’informations : acentmetresducentredumonde.com

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