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L’Art-vues a lu | « Une mémoire de fortune » de Roch Gérard Salager, par BTN

26 Juin 2025 | L'Art-vues a lu, Livres

Un peu de poésie dans ce monde un peu brut. C’est ce qu’inspire le dernier recueil en prose poétique de RG Salager, l’une des mémoires vives de la ville de Montpellier qu’il connaît comme sa poche. Mémoire de fortune, dans son écrin de papier bleu lilas en pur coton, est constitué de pensées, parfois d’amorces de narration, de souvenirs bien sûr, rassemblés en archipels comme a pu l’être en d’autres temps la parole.

On passe ainsi d’une section introductive, Ici venus, divisée en six grandes parties à l’instar d’un coup de dé, à une ultime Contre-jour, subdivisée en neuf fragments, en passant par diverses autres sections aux titres parfois inattendus (Puis un jour, Verticale, Psaumes sans lendemain…). L’écriture est faite de continuités et de ruptures, d’errements pourrait-on dire, le poète traquant la vérité qui fait mouche, qu’elle se veuille générale (« Lorsqu’il se frotte d’absolu, l’esprit ne rencontre que de la misère »), évidence empirique (« Tourner le dos à l’extérieur témoigne d’une volonté de refus hors norme ! »), interrogation empreinte d’inquiétude (« A l’origine, le monde a-t-il été constitué de rumeurs ? En ce cas d’où venaient-elles ?, »), de métaphores filées dont le poète n’abuse pourtant pas (« Parfois le souvenir appelle à la fenêtre et la mémoire ferme les volets »).

Il aime à taquiner, d’un oxymore, le paradoxe (« Trop de lucidité aveugle »), tout en ayant bien conscience que sa pratique, dans un monde fait de bruit, de parlotes, de postures et de fureur, le place du côté de la solitude et du silence, peut-être aussi de la Foi – en tout cas la question se pose… De même pour les divers anges gardiens, empruntés à ses nombreuses lectures, à qui l’auteur consacre deux sections. Quand il ne la trouve pas parmi ses semblables, le poète quête une confraternité dans les arbres et les pierres (« Saura-t-on jamais ce que les pierres regardent. »), lesquels « possèdent une économie de gestes qui nous fait défaut », ces règnes que nous trouvons trop bas pour se mesurer à nous et que nous sacrifions soit à notre mépris soit à nos actes irresponsables (« Le papier vient du bois. D’où suit qu’une forêt qui brûle a symbole d’autodafé »). Que dire encore ? Le vocabulaire est simple et précis, la syntaxe usuelle, aucune afféterie ni hermétisme.

Le livre se déguste comme du petit lait de perles, celles que Roch Salager égrène tel un chapelet de formules bien ciselées : « Qui ne croit pas : décroît ! » ou « A chaque porte une clé. Mais où diable en dénicher le trousseau. Le ciel est si vaste… »).  50 ans que l’éditeur Brémond défend les écritures singulières et qui ont la foi dans cet art de la ciselure et du travail d’orfèvre. Il n’a certes pas fait fortune mais demeurera dans toutes les mémoires. Le titre en est la prémonition. Pour d’autres, la mémoire, souvent si hasardeuse, n’est-elle pas leur seule fortune ?

BTN

Ed Jacques Brémond

Photo : Roch Salager

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