L’animal a un statut particulier dans le dialogue des règnes. Il nous est proche par l’origine, nous fournit à ses dépens nos protéines quotidiennes et nous l’avons depuis toujours soumis à nos penchants anthropomorphiques. Nous lui avons fait subir les pires maux tout en lui donnant parfois le beau rôle dans les contes et fables pour enfant ou dans les cadeaux caricaturaux que nous leur offrons. Toujours est-il qu’un artiste, Pierre Fauret, artiste toulousain qui fut jadis vétérinaire, lui consacre l’intégralité de ses œuvres, qu’elles soient picturales ou graphiques, murales ou conçues sous forme d’installation. Que celle-ci procède de l’assemblage ou de l’empilement, qu’elle s’accommode d’une photographie floutée (au-dessus d’un serre-livres ursidé qui définit Polarité) ou se présente sur un grossier établi plutôt que sur des architectures plus florissantes.
En témoignent encore les pierres taillées, polychromes et accompagnées d’un outil, figurant les Petits carnivores familiers, lesquels incarnent tour à tour l’Angoisse, l’Indécision, la Colère ou la Culpabilité. Si bien que l’on a envie d’appliquer à ces êtres qui symbolisent, par leurs physionomies, nos sentiments la fameuse formule de Nietzsche : Humains, trop humains. Car l’artiste ne se contente pas de représenter. Il dénonce. La récupération de leur image à des fins consuméristes et publicitaires par exemple, dans Le chant du monde, ironiquement emprunté à Giono. De même, la becquée des oisillons dans leur nid, au sol, dans l’œuvre intitulée Avide nous montre d’où nous vient cette insatisfaction permanente qui caractérise l’espèce humaine : des besoins primitifs et de la nécessité d’être protégés.
Fauret met autant de sérieux que d’humour dans ses combinaisons d’objets (chaudron, brûleur, casseroles…) et d’allusions animales (le loup en particulier, réduit à une marionnette ou à un jeu théâtral de doigts et de mains). On peut évidemment parler d’hybridité (le bras qui se fait crocodile, ou papillon géant). Un œuf en cire nombriliste (satire de l’Eggo) coincé dans un fauteuil de style classique en fournit la preuve. À cela s’ajoutent les combinaisons de matériaux : la résine ou le tissu et le marbre noir. Mais Pierre Fauret, ce sont également de précieux dessins où l’homme et l’animal font, si l’on peut dire, bon ménage, ou plutôt plaisante ménagerie. Ce sont aussi des œuvres murales, plus impulsives et qui se veulent performatives. Ce sont enfin des portraits plus vrais que nature, des scènes ludiques à l’encre sur papier, des « blueprint » qui métamorphosent des animaux en Bêtes de lumière. Un retour à l’esprit de l’enfance, plus proche de l’animal qu’enclin à le faire disparaître. Une leçon, mais qui plaisante, fantaisiste, fabuleuse.
BTN
Plus d’infos : maisondesarts-bages.fr
Photo : Les Avides, Pierre Fauret, 2022-2025, détail.












