Cela fait trois décennies que Fabien Boitard renouvelle sa confiance en la peinture que l’on a l’habitude de nommer figurative, mais qui, dans ses tableaux, prend d’énormes libertés avec les codes de la représentation.
Le flou et le net y alternent sans gêne, la surimpression d’un château sur une tente de camping ouvre sur tous les rêves, la matière picturale ne se cache point. La logique est malmenée, mais c’est parce que chaque tableau contient la sienne propre. Toutes les catégories sont convoquées : le paysage qui se soumet à la loi des pixels, le portrait iconoclaste, surtout quand il s’agit des grands de ce monde, le genre animalier avec ses canards qui survolent des œufs au plat, ou nous montrent irrévérencieusement leur derrière…
Chaque toile de Boitard est un sujet de surprise qui pousse à la réflexion. L’artiste a parfaitement retenu les leçons de Cézanne relatives à la disparition de la perspective. La grille d’un château, au premier-plan, est là pour nous le rappeler. Le tableau est une surface plane où les formes et couleurs sont assemblées. Le fond, en peinture, est inaccessible et l’arrière-plan n’existe pas.
C’est l’un de ses axes de travail à présent. Des broussailles peintes de manière floutée s’accommodent d’une barre obturant un horizon qui ne saurait subsister en peinture, sinon comme une convention d’un autre temps. Même s’il recourt à des techniques actuelles pour enrichir le champ de son exploration, Boitard ne se veut ni réaliste ni naturaliste. La peinture étant ce qu’elle est, matière et couleurs, il se plaît à la triturer dans une perpétuelle quête de nouveauté et d’étonnement. Rien de plus affligeant que le banal, le convenu, le bien léché. Ainsi, ses portraits déforment-ils les visages et il lui arrive de déchirer la toile qui sert de support (pour suggérer une cravate par exemple). Les paysages réservent toujours une surprise. Il les enferme dans une enveloppe, géante bien entendu.
On ne s’ennuie donc jamais devant un tableau de Boitard, même quand il se veut bucolique et attentif à la nature. Son jardin secret qu’il divulguera dans ce joli écrin de la banlieue biterroise, la (fine) Mouche.
BTN
Plus d’infos : lamouche-art.com