Sélectionner une page

Jacques Resch par Jacques Resch, exposition à Montpellier et à Octon

28 Mar 2017 | Expos, Expos

« Palavas au Burkina »

Jacques Resch est un peintre libre et passionné, qui, avec ses propres règles, construit des images imprégnées de souvenirs de l’histoire de l’art, de rêves de jeunesse souvent promenés sur les plages de la Camargue, traversées par les affres du monde contemporain. C’est à Montpellier qu’il devint professeur de physique pour exercer ensuite par la force des choses en Afrique jusqu’à ce jour.

« Ces images peintes avec un raffinement qui cherche à nous séduire, pourraient toutes s’accrocher par une invisible reliure, en formant un livre à feuilleter et visionner, comme un long dédale à l’intérieur d’un cerveau de peintre, dont Dali disait qu’il est, le peintre, seul à posséder l’immense privilège, d’en restituer avec ses pinceaux, nos rêves en couleurs et en détail bien sûr !

Alors JR s’est engouffré très tôt dans cette porte ainsi ouverte par le grand maître, il savait que le délire n’a pas d’école, et depuis ses premiers tableaux comme « KÂ mystique » ou ses papes… jusqu’au dernier « La Chambre de 17 Ans« , et d’autres à venir…, il s’y est lâché et la peinture fut pour la suite de ses jours sa seule véritable respiration.

Voilà donc qu’il nous montre des personnages parfois innombrables, des mécaniques complexes et indéfinies, des réminiscences de la renaissance boschienne (« Un Beau Diable« ) ou léonardien (vous pouvez admirer « Le Mécaélangicien« , « Sourire« ) ou plus proches de nous vaguement daliniennes « Au Poil« , où il dérive dans des débordements,  à la manière d’une Tentation de Saint-Antoine, qui fut un prétexte pour Jérôme Bosch à peindre ses propres délires. Jacques Resch ne s’interdit rien. Sensible à nos irrépressibles penchants naturels, loin de toute l’hypocrisie aggravante et pernicieuse, la sexualité est gentiment installée dans quelques recoins de ses tableaux sinon carrément, en plein sous son projecteur, prise comme sujet central. (« Le joint » ; « Garçons sous la Lune » où il ne masque pas son goût pour l’amour masculin).

La religion s’y profile aussi avec une invitation au recueillement, évidente devant beaucoup de ses ciels, ou dans cette inquiétante escalade vers le vide : « L’Escalier de la Lune« . Car, oui, le désespoir menace, la jouissance ne suffit pas (« Souvenirs Médusés« ), des corps sont martyrisés, la Nature écrabouillée sans vergogne est en péril (« Tranquille« ), l’avenir de nos enfants très sombre (« Paperolles » où, encore une prémonition, il parlait avec deux ans d’avance de la démission du Pape).

Bref, ce peintre explore toutes les perspectives, à profusion, dans une technique d’une virtuosité glaçante. Le chaos pourtant le trouble, il l’avoue, «je perds pied parfois et je n’ai que le pinceau pour me cramponner » et il n’abandonne pas ! Ce chaos où l’on peut trouver plaisir à se perdre avec lui, ne peut pas simplement l’obliger à fermer les yeux. Dans chaque toile JR convoque de nombreuses influences, des mélanges surprenants, des détails drôles et anecdotiques, des perspectives improbables qui peuvent tomber sur des visions plus dramatiques.

Un exemple de ces mélanges : « La Centaure« , met en scène (assez prémonitoire, le tableau date de 2000, quatre ans avant celui de l’Indonésie) un tsunami d’une étrangeté qui interpelle sur ce qui ce passe en Afrique, esclavage, colonialisme, jeu de dupe, soumission sadomasochiste, oppression mondialiste… du délire, oui peut-être… mais de la colère c’est certain. Un détail souligne la pire souffrance du peintre : le personnage au premier plan, en costume noir, qui piétine un tableau !

On peut rester à côté de cette dimension, ou s’amuser, certaines formes de l’image le tolèrent : il est bien difficile de compter les personnages, une grosse femme, nue, jambes écartées, comblée grotesquement par un petit bonhomme comme elle pourrait l’être dans les mises en scènes à la Albert Dubout, sauf que celui-ci est africain.

Au premier plan cependant des blanchettes grassouillettes, mi-matrones, mi-négrières, s’amusent avec un homme noir alors que le peintre, lui, redoute l’ambigüité cruelle de leurs chaînes et des clés, se demandant si elles vont le libérer ou enchaîner ses mains après avoir bouclé ses pieds ?

Si elles sont une figure de « …la communauté internationale… », alors voilà le sens de cette scène sur la réalité politique contemporaine : l’Afrique comme cliente oui, acteur économique responsable NON! Donc l’autre tsunami, celui des immigrés désespérés de leur patrie, va nous tomber dessus !

Bien d’autres allusions sont détectables de place en place, le chariot phallique, les écrans, les deux joueur de synthétiseur, l’échiquier à fourchette, un Moïse, une vierge … ce peintre nous demande un effort, presque une peine aussi pour s’y retrouver dans ses images, sachant que le vrai plaisir (plus dans la soif que dans le bu…) sera d’être amener plus loin que ce que l’on croyait voir juste en passant.

Voilà ces tableaux ne sont pas faits pour un simple coup d’œil !

L’artiste vit depuis plusieurs décennies en Afrique, mais même dans ses toiles les plus récentes, son enfance héraultaise resurgit. Elle est ainsi bien visible dans « Les Marguerites« , une toile peinte en 2009, mise en scène sur la plage de Maguelone en perspective de PALAVAS, CARNON, LA GRANDE MOTTE… : sur le côté droit, les parents du peintre languissent éternellement au bord de la  mer languedocien, reconnaissable à ces enrochements qui coupent les courants sur les plages chez nous, sur la gauche s’entassent les délires du moment, avec sans doute une révolte des marguerites à venir, mais toute aussi vaine que celle des œillets, de l’orange, ou des roses …

Dans la plupart de ses tableaux, Jacques Resch se laisse emporter, en glissade dans les couleurs fraîches devrait-on dire, à aborder des thèmes fondamentaux qui s’inscrivent dans la durée : critique du consumérisme européen, dégâts irréversibles sur l’environnement, brouillard entre jouissance et souffrance (ou les contraintes du bonheur), mysticisme réel qui se joue des religions du livre et de leurs rites, thèmes que l’artiste doit regarder avec tout l’universalisme qu’implique sa vie en Afrique noire. Mais il ne s’interdit pas des références plus précises et plus ponctuelles à l’histoire qui se fait sous ses yeux. Le radicalisme musulman  surgit dans les dernières œuvres, « Liberté » (2014), des femmes en burqua se glissent dans les jupes de la liberté pour tromper sa vigilance face au terroriste qui la menace … C’est bien de la  France qu’il s’agit, désignée par quelques détails au milieu de ce chaos : la cathédrale défigurée par un panneau publicitaire pour une grande surface, ou un enfant qui pousse son caddie de supermarché sans conscience du désordre ambiant. Exactement ce qu’il c’est passé au Bataclan !

Dans un tableau encore plus récent, « Palmyre« , l’artiste évoque les ravages de la guerre en Syrie, avec un temple en ruine au milieu de flammes qui brûlent toujours.

Quelque soit le thème abordé, les références culturelles, la profusion de détails qui occupent chaque toile, Jacques Resch se caractérise par un onirisme nourri de l’actualité servi par sa virtuosité héritée des générations de peintres précédents. Mais cette virtuosité peut être un piège pour le regardeur bonasse en l’attirant vers les détails, comme un rêveur à la surface d’un marécage étincelant où flotteraient des nénuphars et sous laquelle pourtant grouillent des monstres. Ce qui devrait nous fasciner sous ce pinceau extrêmement précis, c’est l’enchevêtrement des thèmes qui reviennent année après année, qui construisent un univers annonçant notre extinction, laissant toute la place aux cafards du « Rêve provoqué par le vol d’un bourdon autour d’une grenade une seconde avant la chute de la dernière goutte de pétrole » allusion dalinienne, oui, mais un siècle plus tard parce que tout ne va pas tellement mieux !

Attention ce Jacques RESCH, avec ses images, est bien autre chose qu’un peintre, nos yeux ne lui suffisent pas !

Jacques Resch en quelques mots :

Jacques Resch est né à Montpellier en 1946. Il a peint ses premières toiles dans l’enfance. Après son bac, passionné d’aviation et muni d’une licence de physique-chimie, il doit bifurquer en Afrique, pour enseigner comme coopérant et se fixe définitivement au Burkina Faso en 1990. Après avoir enseigné pendant vingt-sept ans, il crée l’association « FASO LIVRES » destinée à produire des livres scolaires pour les élèves en éditant et diffusant à prix coûtant, du primaire au BAC, 100 000 livres par an qui ont touché depuis plus de 15 ans plus de 3 000 000 d’élèves burkinabés. Sa vie affective et sociale est toujours là-bas. La très grande majorité de ses 209 tableaux peints depuis 1971 a été réalisée en Afrique, mais il expose pour la première fois en 1974 à Carnon puis en 1979 à Montpellier, puis un peu partout en France et notamment pendant  10 ans à Paris, dans une grande galerie du VIIIème dédiée aux peintres de l’imaginaire, ce qui lui a permis d’accroitre sa notoriété.

« Un Beau Diable »

« Un Beau Diable » Commentaires de l’artiste lui-même :

Un chemin de cierges, allusion à un chemin de croix. Le peintre se met en scène sur une échelle comme allumeur (nous pourrions dire lanceur d’alerte).

« (…) J’avais finalement décidé de m’y mettre aussi, sur l’échelle, en plein flagrant délit d’allumage ! Un diable, aussi beau qu’un dieu, est lui, à une autre échelle (avec jeu de mot), s’il écartait sa jambe il sait qu’il peut gâter mon sujet car il veut me foutre en l’air en tirant ma chemise par derrière et il bloque mon chemin avec d’innombrables copains ».

Jacques Resch

Deux expositions à venir de Jacques Resch :
– A la Brasserie Le Dôme à Montpellier actuellement et jusqu’au 11 avril.
– Au Village des Métiers d’art à Octon du 24 au 26 novembre.

 

CatégoriesExpos | Expos

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire aussi